Il fut un temps où la pierre sèche était omniprésente car elle était un outil de production indispensable à la vie quotidienne. L’homme aménageait, creusait, canalisait, jardinait et la terre le lui rendait en produisant la nourriture indispensable à sa survie.
Avec la déprise agricole les terres ingrates ont été abandonnées et la nature y a progressivement repris ses droits, quant elle n’était pas grignotée par les zones pavillonnaires et autres centres commerciaux.
La pierre sèche demeure, enfouie sous le chêne kermès et le ciste cotonneux. On peut encore la deviner pour peu qu’on se donne la peine de regarder autour de soi. Il est rare d’arpenter la campagne sans croiser un tas de pierres dénotant un ancien clapas, ou peut-être les vestiges de ce qui fut autrefois une capitelle. Rare de marcher en forêt sans rencontrer des terrasses oubliées qui grimpent encore à l’assaut des crêtes sous le couvert arboré.
Ailleurs c’est un socle sur lequel on a planté un calvaire, ou encore un joli mur d’enceinte, souvent restauré avec amour, qui fait le tour d’une vieille bâtisse. C’est aussi cette longue murette à moitié ruinée qui court le long de la route qu’on emprunte tous les jours pour aller travailler, tellement discrète qu’on ne la remarque même pas dans le paysage… Pourtant c’est elle qui tient la vigne située au dessus de la route.
La pierre sèche est omniprésente mais nous ne la voyons plus, peut-être car nous avons oublié qu’un paysage n’est pas seulement un décor, mais aussi le fruit d’une alliance entre l’homme et son milieu ?
Qui peut encore comprendre que ce joli verger cultivé au fond d’une combe aride ne peut exister que parce qu’il subsiste là un antique mur de soutènement pour empêcher la terre de partir à la première pluie ? Qui peut comprendre combien ces fossés, ces terrasses oubliées continuent à protéger les localités situées en contrebas des excès de la nature ?
Les choses commencent à bouger pourtant. Là, c’est une commune qui débroussaille un site de pierre sèche pour lui faire jouer un rôle de pare-feu, et protéger les habitations en cas d’incendie. Là, une autre qui subventionne les habitants qui veulent refaire leurs murs. Et cette autre encore qui fait bâtir un mur de soutènement en lieu et place d’un talus situé au beau milieu du village. C’est beau, ça dévégétalise le sol, ça contrôle le ruissellement, et en plus ça permet de créer quelques places de stationnement. Et que dire encore de ce long mur de soutènement construit par le Conseil Général à l’abord d’un rond point nouvellement créé ?
C’est aussi des propriétaires privés qui restaurent leurs murs, leurs terrasses, pour améliorer leur habitat ou pour lui donner plus de valeur à la revente. C’est ceux qui se font un coin de potager délimité avec une murette, tout simplement parce que c’est agréable d’habiter dans un cadre plaisant et proche de la nature.
C’est encore tous ceux qui s’investissent dans des associations et s’en vont retrouver les copains pour remonter des murs oubliés en pleine nature.
La pierre sèche continue à vivre et elle a encore beaucoup à dire, à montrer, et à donner.